
TÉMOIGNAGES
Le Ministère des Imaginaires ouvre ses archives sensibles aux voix du temps qui vient.
Nous appelons les témoins des mondes d’après à nous écrire.
Des lettres venues de 2030, 2047, ou 2072. Des fragments de vie. Des récits d’une société métamorphosée.
Dites-nous ce qui a changé. Ce que vous avez traversé. Comment nous avons basculé.
Chaque lettre est un éclat de mémoire collective.
Un acte de création politique.
Un don pour celles et ceux qui cherchent un avenir habitable.
Elles racontent, à hauteur d’âme, les transformations intimes, sociales, écologiques, politiques qui ont façonné un autre cours du temps.
Ces témoignages sont des boussoles, des traces, des actes de transmission.
Chaque lettre contribue à une mémoire en construction : celle d’un avenir devenu possible.
Une mémoire lucide, poétique, plurielle — enracinée dans l’imaginaire autant que dans les luttes concrètes.
Le Ministère veille à la cohérence de cette collection vivante.
C’est pourquoi nous invitons les contributrices et contributeurs à prendre connaissance des Principes de Contribution, balises nécessaires à l’éthique et à l’esthétique de ce récit collectif.

"Ici, le fleuve raconte une histoire différente à chaque heure. Le matin, nous venons le regarder. Tout le monde fait ça, tous nous savons l’importance de cette halte. Et Xyts sait quand chacun d’entre-nous vient sur la berge. L’un arrive tôt avant sa longue journée sur les échafaudages, l’une passera quand le soleil sera haut en allant voir sa mère, les adolescents se feront étourneaux et passeront au hasard des rires ou de l’amour, les vieux viendront bien si ils ne commencent pas à mourir. Nous savons l’importance de laisser le temps nous prendre.Le fleuve, Xyts, nous aide.
Dans mon village, les rivières ont retrouvé leur cours libre. L'eau est considérée comme une entité légale et les forêts sont devenues nos universités. Le langage humain s'est enrichi de syntaxes animales : nous écrivons avec les spores des champignons et parlons aux vents dans des alphabets éphémères. Ce n’est pas qu’il n’y a plus de livres, c’est qu’ils ne sont pas les seuls à tenir la connaissance. En fait, nous avons appris de ceux qui ne parlent pas. Nous savons par celles et ceux qui signent. Le bousier, le pic épêche et le translucide cristal de quartz nous ont enseigné. Le livre tient dans sa blancheur des petits symboles noirs qui sont des cendres, les restes d’un plus grand monde que le monde. Ces traces sont le savoir. Le lichen et le merle nous ont entrainé. Et puis, l’arrêt sur les bords du Xyts nourrit cet enseignement. C’est un exercice spirituel, un passage obligé.
Et nous voyons le contre-ciel dont parlait René Daumal, l’outre-forêt qui abrite toujours les Parques et l’infernet qui se cache dans le Vercors. Le cours du Xyts est notre parole commune. Nous y avons précipité nos dieux et nos machines.
Math M. / Brasstourg - K52F02